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lundi 4 mars 2013

Pao Pao



« Puis je suis rentré poursuivre ma lente lecture, en français et en italien, du Pao Pao de Tondelli. C'est un très joli petit livre, décidément. Mais il produit un tel effet de vérité, il évoque de façon si prenante des situations d'amour ou de camaraderie, de bonne entente, en tout cas, entre de jeunes grenadiers, dans les combles déserts de leur caserne d'Orvieto, dans la campagne environnante, et maintenant à Rome, qu'il me donne du vague à l'âme. Tout cela fut, tout récemment, tout près d'ici. Pourquoi n'en étais-je pas ? Et pourquoi ne rencontré-je pas, moi, des amis, des camarades, des Italiens de toute l'Italie, pour marcher avec eux dans les rues du soir et m'asseoir au pied du Palais Farnese en leur compagnie, sous le grand ciel de printemps ? La vie est là mais elle m'échappe, comme à Oxford il y a vingt ans. Plus tard, j'en suis sûr, quelqu'un me dira que si j'avais fait ceci ou cela, poussé cette porte, suivi ces rues-là... »


Renaud Camus Journal romain 1985-1986, P.O.L








« Però che ci posso fare se tutto il giorno e la notte e anche se dormo o se sto sveglio, se cammino se passeggio se mi sbronzo la mia testa corre sempre al corpo di Lele, alla sua parlata a quel suo modo dinoccolato di muoversi e camminare, alle sue cosce distese e lucide nel sole di una domenica ferragostina a Villa Borghese, lui in ridottissimo costume da bagno disteso su un telo, Beaujean in invisibili shorts di jeans ed io ferocemente attaccato alle mie scarpe, calzini, camiciole, jeans pesantissimi, sudato, stravolto, ma perdio se faccio tanto di togliermi anche un solo fazzoletto di tasca avrei un erezione da qui a Katmandù, mi sentirei già nudo e liberato e azzannerei quel collo di Lele che mi fa impazzire e mi ficcherei intero nella sua grande bocca e insomma meglio star qui serrato dentro l'armatura che correre quel rischio, meglio godere per il momento solo con lo sguardo, lasciarlo scivolare sul corpo rosso di Lele che si arrotola nel sole come un serpente, movimenti impercettibili della sua pelle, fremiti di muscoli che come onde di risonanza si ripercuotono dal tallone su fino al gluteo... Meravigliosa domenica di ferragosto dunque in una Roma naturalment deserta percorsa solo da qualche troupe di cinematografari e da qualche brigata di najoni e di turisti stranieri e dalle mille e una vibrazioni del mio amore che irradio dall'alto di Piazza del Popolo come un'antenna selvaggia.


L'estate con Lele dunque sono soprattutto i nostri appuntamenti alla vasca di Piazza Colonna e le camminate fino a Trastevere per cenare in una qualche birreria o pizzeria, noi sempre in otto-dieci perché la fame del nostro giro godereccio si spande nelle caserme, si dilata fra i vapori delle docce, si propaganda da sé in quelle passeggiate notturne a Monte Caprino o nelle veleggiate al Pantheon. Io faccio coppia fissa con Lele e con lui giriamo sempre avvinghiati e abbracciati, di solito Lele infila l'indice destro nel passante della mia cintura ed io la mano nella sua tasca sinistra e spesso ci ritroviamo così armoniosi nei nostri quasi due metri di altezza che mi pare di dominare tutta questa folla nana di Roma che striscia ai nostri piedi, che urla, che stragatta, che romba e pena e sbraita e noi invece che passeggiamo olimpici sull'onda delle nostre serafiche stature e spesso allora riesco persino ad appoggiare la testa nell'incavo del collo di Lele e mi sento in un giaciglio caldo e odoroso e sto bene, allora sto bene. »

Pier Vittorio Tondelli Pao Pao, ed. Feltrinelli




Mais moi, qu'est-ce que j'y peux si toute la journée et toute la nuit, si je dors ou si je suis réveillé, si je marche, si je me balade, si je me soûle, je pense toujours au corps de Lele, à sa manière de parler, à sa façon dégingandée de bouger et de marcher, à ses cuisses allongées et luisantes sous le soleil d'un dimanche d'août à la villa Borghese, lui en minuscule maillot de bain allongé sur une toile de tente, Beaujean en short de jean invisible, et moi férocement cramponné à mes chaussures, chaussettes, maillot de corps, jeans pesants, en sueur, mal à l'aise, mais mon Dieu si j'essaie seulement d'enlever un mouchoir de ma poche, je crois bien que j'aurais une érection d'ici à Katmandou, je me sentirais complètement nu et libéré et je mordrais à pleines dents dans le cou de Lele qui me rend fou et je me jetterais tout entier dans sa grande bouche ; enfin, il vaut mieux que je reste bien enfermé dans mon armure plutôt que de courir ce risque, il vaut mieux que je me contente pour le moment de jouir du regard, de le laisser glisser sur le corps roux de Lele qui s'enroule au soleil comme un serpent, avec d'imperceptibles mouvements de la peau, des frémissements de muscles qui se propagent comme des ondes depuis le talon jusqu'à la cuisse... Merveilleux dimanche d'août dans une Rome naturellement déserte, seulement parcourue par quelques troupes de cinéma, quelques groupes de militaires et de touristes, et par les mille et une vibrations d'amour que j'irradie comme une antenne sauvage plantée au-dessus de la Place du Peuple.

L'été avec Lele, ce sont surtout nos rendez-vous à la fontaine de Piazza Colonna et les promenades jusqu'au Trastevere pour dîner dans quelque pub ou pizzeria ; on est toujours huit ou dix parce que la réputation de notre groupe de fêtards s'est répandue dans les casernes, à travers les vapeurs des douches et les récits de nos promenades nocturnes au Monte Caprino et de nos dérives au Panthéon. Lele et moi, nous formons un couple fixe et nous marchons serrés et enlacés ; d'habitude, Lele place son index droit dans le passant de ma ceinture et je mets ma main dans sa poche gauche, et souvent nous nous retrouvons si bien accordés dans notre allure, en si parfaite harmonie avec nos presque deux mètres de haut que j'ai l'impression de dominer toute cette foule naine de Rome qui rampe à nos pieds, hurle, s'agite, vrombit, s'acharne et braille tandis que nous avançons olympiens dans le sillage de nos séraphiques statures, et souvent je réussis même à appuyer ma tête dans le creux du cou de Lele, je me blottis dans cet abri chaud et odorant et je me sens bien, à ce moment-là je me sens vraiment bien.

(Traduction personnelle)






Images : en haut, Pier Vittorio Tondelli, portrait by Graziano Origa, pen&ink + pantone, 15x20, 1992, framed purple for Nòva100, 2008

en bas, Federico Novaro  (Site Flickr


Pao Pao est paru en français aux éditions du Seuil, dans une traduction de Nicole Sels.

Tous les romans et récits de Pier Vittorio Tondelli sont disponibles en un volume dans la collection Classici Bompiani.

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