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vendredi 28 juin 2013

Rome, retour d'exil




Un extrait du roman de Jacques Fersen (le baron Jacques d'Adelsward Fersen, né à Paris en 1880 et mort à Capri en 1923, qui fut le héros du récit de Roger Peyrefitte L'Exilé de Capri, mais aussi un écrivain et poète digne d'intérêt, au-delà de la réputation "sulfureuse" à laquelle on l'a trop souvent réduit), Et le feu s'éteignit sur la mer, paru en 1909, et que l'on n'a plus guère vu depuis sur les rayonnages des librairies françaises... Il est d'ailleurs amusant de constater que l'ouvrage n'est actuellement disponible qu'en traduction italienne, puisqu'il a été réédité en 2005 aux éditions La Conchiglia.

Depuis bientôt trois semaines, Gérard vivait à Rome dans l’enchantement. On était à la fin de janvier, un de ces janviers secs, lumineux et doux dont le soleil chauffe si bien les grands escaliers de pierre. Il avait erré, quasi tous les jours, au hasard et sans guide, se réservant le plaisir félin de découvrir, comme avant lui personne ne l’eût fait, les ruines. Mais ses promenades favorites le conduisaient soit dans les ruelles tortueuses, criantes et escarpées du Transtévère, soit du côté de l’Académie d’Espagne, au Janicule, d’où l’on découvrait la ville scintillante sous le ciel bleu, et couverte, parfois de vapeurs fines et pâles. Parfois aussi, il s’égarait, montant les gradins majestueux de la place d’Espagne jusqu'au Pincio et à la villa Médicis. Sur les rampes fleuries, des ciociari et des filles aux yeux sauvages, couleur des terres brûlantes d’Anticoli ou de Subiaco, le poursuivaient, violettes tendues. Elles le regardaient sans effronterie, mais avec un sourire étincelant et jeune, sûres d’être admirées. Et quelques unes vraiment retrouvaient les attitudes très anciennes qu’on voit dessinées sur de vieilles amphores...

Oh ! les minutes divines sous les chênes verts, sous les yeuses du Pincio qui paraissent au coucher rose du soleil abriter sous leurs ailes noires une vasque remplie d’anémones de mer ! Gérard se rappelait les colorations féeriques de la lumière mourante sur Saint-Pierre au dôme bleu, sur le Palatin doré, sur le Quirinal rouge, et tout près, sur la Place du Peuple, aux ombres violacées. D’un geste, il était dans les jardins de l’Académie de France et là, suivant les hautes allées de pins et de roses, il arrivait juste pour le crépuscule, sur la grande place majestueuse bordée de citronniers, d’orangers, de bambous et de verveines, où, dominés d’un côté par une monumentale statue de la Minerve, de l’autre par le svelte Mercure de Gian Bologna équilibré sur une vasque d’eau dormante, des colonnes blanches, des chapiteaux effrités et le fantôme énigmatique d’un Ganymède ou d’une Vénus s’essaimaient dans l’ombre tranquillisée.

Au-dessus de ces choses, une large terrasse casquée d’arbres centenaires dominait les jardins. Et quoique les grilles en fussent fermées la nuit venue, Gérard avait obtenu du gardien qu’il le laissât seul suivre le chemin couvert d’héliotropes au parfum de sucre, grimper les marches usées où par endroits la mousse mettait ses lèvres de velours. Et comme en extase, ayant l’impression d’être revenu d’exil, bercé par cette facilité de vivre et par cette beauté, fille des légendes, il regardait les lumières naître une à une, puis par milliers, sur la Ville Eternelle : une paix intérieure lénifiait le jeune homme. Ce n’était plus la lutte brutale, la lutte humaine qu’on percevait de ces hauteurs.

La volupté du Sud et sa grâce latine enveloppaient Rome de la naïveté sainte des Autrefois.

J. Fersen   Et le feu s'éteignit sur la mer...



 

Da quasi tre settimane, Gérard viveva a Roma come in un incanto. Era la fine di gennaio, uno di quei gennai secchi, luminosi e dolci, in cui il sole riscalda così tanto le grandi scalinate di pietra. Aveva errato quasi ogni giorno, a caso e senza guida, riservandosi il piacere felino di scoprire le rovine, come se nessuno prima di lui lo avesse fatto. Ma le sue passeggiate preferite lo conducevano sia nelle viuzze tortuose, piene di gridi e scoscese di Trastevere, sia dalle parti dell’Accademia di Spagna, al Gianicolo, da dove si scorgeva la città luminosa sotto il cielo azzurro, talora coperta di fini e tenui vapori. Talvolta anche il suo spirito si smarriva, come quando saliva i gradini maestosi da piazza di Spagna fino al Pincio ed a Villa Medici. Sulle rampe fiorite, ragazzi ciociari e fanciulle dagli occhi selvaggi, del colore delle ardenti terre di Anticoli e di Subiaco, lo inseguivano tendendo violette. Esse lo guardavano senza sfrontatezza, ma con un sorriso sfavillante e giovane, sicure di essere ammirate. E talune veramente ritrovavano gli atteggiamenti antichi che si vedono sulle vecchie anfore...

Oh! I momenti divini sotto le querce verdi, sotto i lecci del Pincio che al calare rosa del sole, sotto le loro ali nere, parevano ospitare una vasca piena di anemoni di mare ! Gérard si ricordava i colori fiabeschi della luce morente su San Pietro dalla cupola azzurra, sul Palatino dorato, sul Quirinale rosso e, lì vicino, su Piazza del Popolo, dalle ombre violacee. In un momento, era nei giardini dell’Accademia di Francia e là, seguendo le alte file di pini e di rose, arrivava proprio al crepuscolo sulla gran piazza maestosa contornata di piante di limoni, di aranci, di bambù e di verbene, dove, dominati da una parte da una monumentale statua di Minerva, dall’altra dallo slanciato Mercurio di Gian Bologna, in equilibrio su una vasca d’acqua stagnante, le colonne bianche, i fragili capitelli e il fantasma enigmatico di un Ganimede o di una Venere, svanivano nella placida ombra.

Al di sopra, una ampia terrazza con un casco di alberi centenari dominava i giardini. E sebbene i cancelli di sera fossero chiusi, Gérard aveva ottenuto dal guardiano di essere lasciato solo a seguire il cammino pieno di eliotropi dal dolce profumo, e salire i gradini consumati, dove qua e là il muschio posava le sue labbra di velluto. E come in estasi, avendo l’impressione di essere reduce dall’esilio, sommerso da questa facilità di vivere e da questa bellezza, figlia delle leggende, guardava le luci nascere ad una ad una, poi a migliaia, sulla Città Eterna : una pace interiore placava il giovane. Da queste bellezze non si percepiva più la brutalità della lotta fra gli uomini.

La voluttà del sud e la sua grazia latina avvolgevano Roma nella santa ingenuità dei Tempi Passati.

Traduzione : Romano Paolo Coppini e Rolando Nieri (E il fuoco si spense sul mare... Edizioni La Conchiglia, 2005)




 

Images : en haut, Gabriele La Porta  (Site Flickr)

au centre, Site Flickr

en bas,  Site Flickr


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