Translate

dimanche 28 avril 2013

La Casati



"Age cannot wither her, nor custom stale
Her infinite variety."

Shakespeare Antony and Cleopatra II, 2







Luisa Casati

Londra, Beaufort Gardens, sabato 1 giugno 1957. Agli amici non scrive più. Si crede telepatica e parla con loro convinta che la sentano. Si lava con la belladonna gli occhi che ormai non vedono più. Invecchia, sola con le sue manie, in una modesta camera affittata. Spegne nell’ombra i fuochi di una vita leggendaria. Se ne va alle tre del pomeriggio stroncata da un’emorragia cerebrale. È stata Isabella Inghirami in quel romanzo di D’Annunzio, e oggi muore come lui.

Una volta era bella. Ha impreziosito la sua bellezza indossando gli abiti strepitosi che Fortuny disegnava solo per lei. Ha incantato Diaghilev. Ha ammaliato Rubinstein e messo in soggezione David Herbert Lawrence. Ha dato feste mitiche, nel suo palazzo sul Canal Grande o nel giardino con gli alberi dipinti d’oro della villa di dieci piani alla periferia di Parigi, in cui lei era il sole e gli altri le stelle che debbono rassegnarsi a impallidire. «Vorrei essere un’opera d’arte vivente», ha sempre confessato senza tante cerimonie, e oggi sa come vanno a finire anche le opere d’arte.

Un giorno, a Parigi, ha ricevuto Man Ray. Lei ha quarantatré anni, undici più di lui, ma non si vede. Indossa la tenuta abituale : tre metri di pitone vivo intorno ai fianchi ancora snelli. Si mette in posa. Lui accende le lampade, ma un corto circuito oscura tutte le luci gettando il salone nella penombra. Non fa niente. Starà in posa nella penombra. Tornato a casa, lui svillupa le fotografie. Sono venute così male che vorrebbe buttarle, ma lei dice : «Le compro». Lei le trova magnifiche. Adora quel sorriso sfuocato, di occhi che scintillano nel buio come gli occhi di una tigre al risveglio. Gli dice : «Ha fotografato la mia anima, lo sa?»

Eugenio Baroncelli  Mosche d'inverno Ed. Sellerio, 2010







Luisa Casati

Londres, Beaufort Gardens, samedi 1er juin 1957. Elle n’écrit plus à ses amis. Sûre d'avoir des dons de télépathie, elle parle avec eux, persuadée qu’ils l’entendent. Elle baigne avec de la belladone ses yeux qui désormais ne voient plus. Elle vieillit, seule avec ses manies, dans une modeste chambre louée. Elle éteint dans l’ombre les feux d’une vie légendaire. Elle meurt à trois heures de l’après-midi, emportée par une hémorragie cérébrale. Elle a été Isabelle Inghirami dans le roman de D’Annunzio, et aujourd’hui elle meurt comme lui.

Autrefois, elle était belle. Elle a rehaussé sa beauté en portant les vêtements prestigieux que Fortuny créait spécialement pour elle. Elle a fasciné Diaghilev. Elle a envoûté Rubinstein et troublé D.H. Lawrence. Elle a donné des fêtes mythiques, dans son palais sur le Grand Canal ou dans le jardin aux arbres peints en or de sa villa de dix étages dans la banlieue de Paris ; elle y était le soleil et tous les autres des étoiles qui doivent se résigner à pâlir. «Je voudrais être une œuvre d’art vivante», avouait-elle tout simplement, et aujourd’hui, elle sait comment les œuvres d’art, elles aussi, finissent.

Un jour, à Paris, elle a reçu Man Ray. Elle a quarante-trois ans, onze de plus que lui, mais cela ne se voit pas. Elle porte sa tenue habituelle : trois mètres de python vivant autour de ses hanches encore minces. Elle prend la pose. Il allume les lumières, mais un court-circuit plonge brusquement le salon dans l’obscurité. Cela n’a pas d’importance : elle gardera la pose dans la pénombre. Un peu plus tard, Man Ray développe les photographies. Elles sont si mauvaises qu’il voudrait les jeter, mais elle lui dit : «Je vous les achète». Elle les trouve magnifiques. Elle adore ce sourire flou, ces yeux qui scintillent dans le noir comme ceux d’une tigresse au réveil. Elle lui dit : «Savez-vous que vous avez photographié mon âme ?»

(Traduction personnelle)








Images
: en haut, Man Ray Portrait de la Marquise Luisa Casati (1922)

au centre, Man Ray Portrait de la Marquise Luisa Casati (détail) (1922)

en bas, Adolf de Meyer Portrait de la Marquise Luisa Casati (1912), avec un autographe de D'Annunzio.

2 commentaires:

  1. Une vie qui semble assez proche et aussi "extravagante" que celle d'Isadora Duncan.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, mais Isadora est morte beaucoup plus jeune ; cela tendrait à prouver qu'il est moins dangereux de porter un python vivant autour du cou qu'une écharpe de soie.

      Supprimer