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jeudi 17 novembre 2011

Là-bas (Laggiù)


«Il n'y a qu'un froid, le froid. Tous ceux qui ont froid sont ensemble. Tous ceux qui ont faim, tous ceux qui sont amoureux, tous ceux qui ont peur : tous dans le même bateau.» 






À la voix de Kathleen Ferrier

Toute douceur toute ironie se ressemblaient
Pour un adieu de cristal et de brume,
Les coups profonds du fer faisaient presque silence,
La lumière du glaive s'était voilée.

Je célèbre la voix mêlée de couleur grise
Qui hésite aux lointains du chant qui s'est perdu
Comme si au delà de toute forme pure
Tremblât un autre chant et le seul absolu.

Ô lumière et néant de la lumière, ô larmes
Souriantes plus haut que l'angoisse ou l'espoir,
Ô cygne, lieu réel dans l'irréelle eau sombre,
Ô source, quand ce fut profondément le soir !

Il semble que tu connaisses les deux rives,
L'extrême joie et l'extrême douleur.
Là-bas, parmi ces roseaux gris dans la lumière,
Il semble que tu puises de l'éternel.

Yves Bonnefoy  Hier régnant désert, Gallimard, 1958






Alla voce di Kathleen Ferrier

Ogni dolcezza ogni ironia riunite
Per un addio di cristallo e di nebbia,
I cupi tonfi del ferro s'attutivano
La luce della spada era velata.

Celebro la voce screziata di grigio
Esitante ai confini del canto smarrito
Come se di là da ogni forma pura
Solo assoluto tremasse un altro canto.

Oh luce e niente della luce, lacrime
Più alto sorridenti che angoscia o speranza,
Oh cigno, luogo reale nell'irreale acqua oscura,
Oh fonte, quando fu profondamente sera !

Sembra che tu conosca le due rive,
L'estrema gioia e l'estremo dolore.
Laggiù, fra grigi canneti nella luce,
Tu attingi, sembra, all'eterno.

Traduzione : Diana Grange Fiori






Images : en haut, Renaud Camus (Site Flickr)

en bas, Site Flickr



4 commentaires:

  1. Si je peux me permettre :
    http://l-esprit-de-l-escalier.hautetfort.com/archive/2006/03/18/de-l-art-de-kathleen-ferrier-ou-de-son-absence.html

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  2. "De gustibus", cher Philippe(s), et l'on sait bien que sur les mérites des chanteuses lyriques, les discussions peuvent être infinies !

    Personnellement, dès que j'entends cette voix, par exemple dans les "Kindertotenlieder", le vers de Bonnefoy devient une évidence : "Il semble que tu connaisses les deux rives"... Je pense à la façon dont elle chante le début de l'avant-dernier chant : "Oft denk'ich, sie sind nur ausgegangen", cette tentative désespérée de nier l'absence définitive, la séparation absolue, je ne l'ai jamais aussi bien entendue que dans (et par) cette voix... Je ne comprends même pas les reproches sur l'absence de caractérisation ; pour moi, on est là au cœur même de cette musique, dans sa vérité absolue, et "il naufragar m'è dolce in questo mare"...

    Je profite de l'occasion pour vous dire mes regrets de ne plus vous lire sur votre blog que j'appréciais beaucoup.

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  3. Dans la pointe extrême du chagrin, sa voix, comme un cristal d'ombre....

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  4. Philippe[s], je partage les regrets d'Emmanuel.

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