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jeudi 1 mars 2012

Souvenirs de "La Commare secca"




La Commare secca est le premier long métrage de Bernardo Bertolucci ; le film est sorti en 1962.


Rome

 C’est une Rome en noir et blanc du début des années 60, celle des borgate que l’on voit aussi dans les films de Pasolini (l’auteur du scénario de ce premier film de Bertolucci), mais surtout du quartier Ostiense, près de la basilique San Paolo, où se noue l’intrigue. La prostituée assassinée exerce son activité dans le parc Paolino, situé juste derrière la basilique; la scène du meurtre se situe au bord du Tibre, sous le pont Marconi, près du cynodrome.




La pluie 

La structure narrative du film est visiblement inspirée du Rashomon de Kurosawa : les uns après les autres, les personnes suspectées du meurtre de la prostituée témoignent, en donnant leur version des faits. Et au même moment, dans des lieux différents, ils sont surpris par un orage violent, qui efface les traces de la mort au travail, lave les mensonges et les remords.
 


 Ragazzi di vita 

Il y a Canticchio, qui guette les couples occupés à flirter sur les bords du Tibre pour leur chiper un sac ou un transistor ; Il Califfo, qui sort de prison et vit aux crochets de sa femme, avec qui il se dispute régulièrement ; Francolicchio et Pipito, deux garçons passés maîtres dans l’art difficile de la petite arnaque, notamment aux dépens des homosexuels qui draguent dans les parcs. Francolicchio aura moins de chance que son compère, et il finira noyé dans le Tibre. C’était le plus sentimental des deux ; il aimait fredonner à ses conquêtes féminines la chanson de Nico Fidenco Come nasce un’amore : “Ti voglio far provare come nasce un’amore / Forse tu non lo sai / Piano piano ti sfiorerò / E le labbra ti toccherò / E come una farfalla che si posa su un fiore / Io ti accarezzerò...” 



 Allen Midgette 

Comment un jeune homme blond venu du New Jersey s’est-il retrouvé à Rome pour jouer le rôle de Teodoro Cosentino, un soldat de Catanzaro, avec, par la grâce du doublage, un accent calabrais à couper au couteau ? C’est un des mystères et des charmes du cinéma italien de ces années-là... Deux ans plus tard, Midgette sera Agostino dans Prima della Rivoluzione. On le verra aussi, très furtivement, au début de La Stratégie de l’araignée : c’est le marin qui descend du train en gare de Tara, en même temps qu’Athos Magnani. Midgette apparaîtra une dernière fois dans un film de Bertolucci en 1975 : il joue le rôle d’un vagabond qui s’accuse du meurtre d’un enfant, dans la seconde partie de Novecento. À cette époque, il est devenu à New York l’un des acteurs de la Factory de Warhol et le sosie officiel du maître, qui l’envoie souvent à sa place dans des vernissages, des séances d'interviews ou des conférences. 

La Camarde 

L’explication du titre est donnée dans la toute dernière image du film ; on y voit la façade de l’église Santa Maria dell’Orazione e Morte, dans la Via Giulia, et plus particulièrement la plaque située à côté de la porte de l’édifice, où est représentée la Camarde. On voit alors s’inscrire à l’écran les derniers mots d’un des nombreux sonnets écrits en dialecte romain (le romanesco) par Gioachino Belli : "E già la comaraccia secca de strada Giulia arza er rampino" ("Et déjà la camarde de Via Giulia soulève sa faux"). Pasolini avait déjà placé ces vers en épigraphe de son premier roman, Ragazzi di vita, dont le dernier chapitre est également intitulé La Commare secca. Bertolucci dit à ce propos à Jean Gili (in Le Cinéma italien, 10 / 18, 1978) : «Mon film est également un film sur la mort la "commare secca" veut dire la mort en dialecte romain – cependant, ici, elle était vue de manière plus lyrique, plus crépuscuaire, que chez Pasolini. Le sens de la sacralité de Pier Paolo me manquait et me manque. L'odeur de la mort était davantage donnée dans La Commare secca par la manière dont j'avais structuré le film, un film entièrement construit sur le temps qui passe et qui consume tout, et cela ne se voit pas. L'idée, c'est un peu la fameuse phrase de Cocteau : "Le cinéma, c'est saisir la mort au travail." (...) Je voulais vraiment raconter comment le temps agit : quelque chose de tout à fait semblable  à la mort qui travaille, c'est à dire le temps qui passe et la mort à l’œuvre. L'orage unifiait le tout, rappelait la mort, et la pluie lavait cette convention de la mort : à vingt et un ans, d'ailleurs, je me croyais immortel.»






Images : (3) Blog Only the Cinema

6 commentaires:

  1. A. m'apprend la mort de Lucio Dalla. elle est triste...

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  2. "Ah, Felicità, su quale treno della notte viaggerai ?
    Lo so che passerai, ma come sempre in fretta non ti fermi mai..."

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  3. j'ai écouté et regardé se dérouler les Magritte, Hopper et les photographies de Frisardi. Beau et émouvant. je fais suivre... merci.

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  4. Mais, la plupart des films dignes de ce nom s'inspirent de Kurosawa non?

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    1. Bien sûr, et ce ne sont pas Sergio Leone, Clint Eastwood, Arthur Penn ou Sam Peckinpah qui diront le contraire ! Et je ne dis rien de Joe d'Amato et de son immortel "Rocco e i magnifici 7", sorti en France sous le titre "Rocco et les sex mercenaires"...

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  5. Certainement un très grand moment d'anthologie!
    0ù va se nicher la culture cinématographique tout de même!

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