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mardi 30 avril 2013

Er giorno der giudizzio (Le Jour du Jugement)




Giuseppe Gioachino Belli (1791-1863) est l'auteur de plus de deux mille sonnets en dialecte romain (le romanesco), véritable monument élevé à l'inventivité et à la vitalité du peuple de Rome. Pasolini l'admirait beaucoup et il a emprunté à l'un de ces sonnets le titre d'un chapitre des Ragazzi di vita (La Commare secca), qui inspirera ensuite le scénario du premier film réalisé par Bertolucci. Le sonnet que je cite ici est l'un des plus célèbres de Belli :


Er giorno der giudizzio 

Cuattro angioloni co le tromme in bocca 
se metteranno uno pe ccantone 
a ssonà : poi co ttanto de vocione 
cominceranno a ddì : "ffora a chi ttocca".

Allora vierà su una filastrocca 
de schertri da la terra a ppecorone, 
pe rripijjà ffigura de perzone 
come purcini attorno de la bbiocca. 

E sta bbiocca sarà ddio bbenedetto, 
che ne farà du' parte, bbianca, e nnera : 
una pe annà in cantina, una sur tetto. 

All'urtimo usscirà 'na sonajjera 
d'Angioli, e, ccome si ss'annassi a lletto, 
smorzeranno li lumi, e bbona sera.

Giuseppe Gioachino Belli  Sonetto n. 276  (25 novembre 1831)






Vittorio Gassman récite Er giorno der giudizzio



Le Jour du Jugement

Quatre grands anges, avec leurs trompettes,
se placeront aux quatre coins de l'univers,
et ils sonneront : puis, d'une voix forte,
ils commenceront à demander : "À qui le tour ?"

Alors on verra s'avancer en un long cortège
des squelettes sortis de terre, marchant accroupis
avant de reprendre leur forme humaine,
en se regroupant comme des poussins autour de leur mère.

Et cette mère sera le Bon Dieu,
qui les séparera en deux groupes, les bons et les méchants :
ceux-ci disparaîtront en enfer ; ceux-là iront au paradis.

À la fin s'avancera une troupe d'anges,
et comme quand vient l'heure de dormir,
ils éteindront toutes les lumières, et puis, bonne nuit !

(Traduction personnelle)






Images : Luca Signorelli, La Resurrezione della carne, Cappella di San Brizio, Duomo di Orvieto.



7 commentaires:

  1. J'espère ne pas vous choquer, Emmanuel, mais ce qui me plaît le plus dans cette page, ce sont ces nus d'hommes : magnifiques. Pour le reste, cette légende ma paraît totalement absurde. La foi et notre peur de la mort ne peuvent aboutir de tels contes illogiques. Laissons les corps des morts dans leur devenir de poussière... mais ces fresques sont une splendeur.

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  2. Il faut peut-être interpréter cela comme le caractère romain : extravagant, passionné, lyrique et totalement "hors du monde".

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  3. C'est très beau , Julius, ce que vous venez d'écrire. J'aime beaucoup "totalement hors du monde".

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  4. Ne connaissant, je l'avoue à ma courte honte, Belli que depuis un peu plus d'un an, je n'ai cessé, depuis, d'en faire mes délices... Sauriez-vous si certains sonnets ont donné lieu à des mises en musique ?

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    1. J'ai lu le message très intéressant que vous consacrez à Belli sur votre site ; il est en effet très difficile de traduire ces sonnets car la rudesse savoureuse du "romanesco" se change souvent en crudité argotique quand on la traduit en français (c'est un peu le même problème qui se pose pour les romans "romains" de Pasolini, dont la traduction est vraiment catastrophique). Par exemple, dans l'exemple que vous citez, il n'y a rien à redire à "la bite" pour "l'uscello", mais on perd tout de même au passage un grand nombre de nuances et de connotations...

      Je ne connais pas beaucoup d'exemples de mises en musique de ces sonnets ; j'aimais bien la version folk de Stefano Palladini dans les années soixante-dix (vous pouvez entendre ici le sonnet "Li soprani der monno vecchio" ("Les monarques du monde ancien")). Il y a eu une tentative plus récente, dans un style plus "rock", beaucoup moins convaincante à mon avis (on peut entendre ici le sonnet "Er Letto" ("le Lit")).

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  5. Merci beaucoup de cette prompte réponse... Je vais écouter tout cela.

    Pour ce qui est du texte, entre mes faibles connaissances en italien (qui m'avaient permis, sur cet exemple précis, d'envisager un zoziau plus enfantin et moins grossier), et le recours aux traductions dans deux langues que je maîtrise, je crois compenser un peu mon incompétence en “romanesco”. Il y a pas mal de lectures à haute voix disponibles sur le Net, qui permettent d'entendre la langue, aussi.

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