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lundi 15 décembre 2014

A notte fonda (En pleine nuit)




"con gli occhi pieni di malinconia..." 







S’incontrarono per la prima volta in Autogrill, a notte fonda. Una delle tante notti, tutte uguali, che galleggiano spesse come petrolio nella landa muta tra Novara e Vercelli. 
Un cartello verde emerse dopo chilometri di niente. Piero inserì la freccia d’istinto, e cominciò a rallentare. Era quasi l’una. Il buio denso tagliato dai fari si apriva a stento. E gli unici fari nel fiume nero dell’autostrada, solitari come due stelle,erano i suoi. 
Non aveva nessuna fretta di tornare a casa. La nebbia confondeva un paesaggio fantasma che Piero conosceva in ogni sua piega. Un casolare, risaie. Un altro casolare, altre risaie. 
Sterzò verso l’area di servizio di Biandrate-Vicolungo, sull’A4, in direzione Torino. Le casse dell’autoradio mandavano un vecchio successo di Toto Cutugno che a Piero ricordava l’infanzia, suo padre con la Marlboro rossa tra le labbra e un gigantesco anello d’oro al mignolo sinistro. Suo padre nel 1983, l’ultima volta che lo aveva visto. 
Buongiorno Italia, buongiorno Maria, con gli occhi pieni di malinconia…
Il parcheggio dell’Autogrill, semideserto, era illuminato come i cortili delle carceri di notte.
Viaggiava a bordo di un’Alfa Romeo Gran Turismo, rossa, rubata. Spense la radio e si slacciò la cintura di sicurezza. Gli piacevano i parcheggi degli Autogrill a quell’ora, atolli al neon fluttuanti nel vuoto. Gli piacevano gli autotreni parcheggiati a lisca di pesce con le tendine chiuse sul parabrezza. I cartelli, le pompe di benzina : tutto nuotava sfocato e simile a una medusa sott’acqua. 
A Piero piaceva questo genere di posto perché lo faceva sentire lontano da casa.

Silvia Avallone  La lince  Corriere della sera Inediti d'autore, 2011







Ils se rencontrèrent pour la première fois dans un restoroute, en pleine nuit. Une de ces nuits, toutes pareilles, qui flottent lourdes comme du pétrole sur la lande silencieuse entre Novara et Vercelli. 
Une pancarte verte émergea, après des kilomètres de néant. D'instinct, Piero mit le clignotant et commença à ralentir. Presque une heure du matin. L'obscurité dense découpée par les phares peinait à s'ouvrir. Et dans le fleuve noir de l'autoroute, il n'y avait pas d'autres lumières que les siennes, solitaires comme deux étoiles. 
Il n'était pas pressé de rentrer. Le brouillard noyait un paysage fantôme que Piero connaissait dans ses moindres recoins. Une baraque, des rizières. Une autre baraque, d'autres rizières. 
Il déboîta vers l'aire de repos Biandrate-Vicolungo, sur l'A4, direction Turin. Les haut-parleurs de la radio diffusaient un vieux succès de Toto Cutugno qui lui rappelait son enfance, son père, une Marlboro rouge au coin des lèvres et une bague en or géante au petit doigt de la main gauche. Son père en 1983, la dernière fois qu'il l'avait vu. 
Buongiorno Italia, buongiorno Maria, con gli occhi pieni di malinconia...
[Bonjour Italie, bonjour Marie, avec les yeux pleins de mélancolie...]
Le parking du restoroute, semi-désert, était éclairé comme les cours des prisons la nuit. 
Il roulait dans une Alfa Romeo Gran Turismo, rouge, volée. Il éteignit la radio, détacha sa ceinture. Il aimait les parkings d'autoroute à cette heure de la nuit, des atolls de lumière flottant dans le vide. Il aimait les poids lourds garés en épi, rideaux tirés sur les cabines. Les pancartes, les pompes à essence : tout nageait dans le flou, telles des méduses dans l'eau. 
Il aimait ce genre d'endroit parce qu'il s'y sentait loin de chez lui. 

Traduction : Françoise Brun (Le lynx, Editions Liana Levi  Piccolo, 2012)








Images : en haut, Site Flickr

au centre et en bas, Edoardo Costa (Site Flickr)




6 commentaires:

  1. Il y a une histoire à venir puisque le texte commence par "ils se rencontrèrent". Mais là nous sommes hors de l'histoire, de la voiture de luxe "volée". Nous sommes dans une solitude poisseuse quelque part sur une autoroute, la nuit. Ici, l'Italie mais ce paysage pourrait se rencontrer ailleurs. Le personnage est figé, enroulé comme dans une absence, un ennui, une errance. Étranger à ce qui l'entoure, aux autres. Dans un refus. Une structure romanesque sûre.
    Une écriture précise. Un lieu désert, intense où va commencer une scène essentielle. Le lecteur est en attente dans ce va-et-vient entre l'extérieur immense en cette nuit zébrée de néons et de rares phares de voiture et l'intérieur du personnage, isolé. Presque une scénographie de polar, de cinéma Un décor inquiétant, angoissant où la mort pourrait être au rendez-vous.

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  2. C'est un roman noir (jaune pour les italiens) ? Si c'est le cas, il m'apparaît bien pâle.

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    1. Non, en fait il s'agit d'une nouvelle de Silvia Avallone. J'aime bien l'atmosphère de ce passage, ce côté "entre chien et loup"...

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    2. J'aime bien cette ambiance aussi. Mais que peut-il se passer à 1 heure du matin dans ce restoroute désert, seul ilot de lumière dans la nuit. Quelle rencontre annoncée ? Bonne ou funeste, le lecteur s'attend à une surprise.

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    3. C'est en effet une rencontre qui va avoir lieu, pas très loin de celle que Pasolini raconte dans "Théorème"...

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    4. Ah, passionnant. Une sorte de fascination. Théorème ? Un grand Pasolini.

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