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vendredi 4 avril 2014

Nuages




Un extrait du Livre de l'intranquillité, de Fernando Pessoa :

Nuvens... Hoje tenho consciência do céu, pois há dias em que o não olho mas sinto, vivendo na cidade e não na natureza que a inclui. Nuvens... São elas hoje a principal realidade, e preocupam-me como se o velar do céu fosse um dos grandes perigos do meu destino. Nuvens... Passam da barra para o Castelo, de ocidente para oriente, num tumulto disperso e despido, branco às vezes, se vão esfarrapadas na vanguarda de não sei quê; meio-negro outras, se, mais lentas, tardam em ser varridas pelo vento audível; negras de um branco sujo, se, como se quisessem ficar, enegrecem mais da vinda que da sombra o que as ruas abrem de falso espaço entre as linhas fechadoras da casaria.

Nuvens... Existo sem que o saiba e morrerei sem que o queira. Sou o intervalo entre o que sou e o que não sou, entre o que sonho e o que a vida fez de mim, a média abstracta e carnal entre coisas que não são nada, sendo eu nada também. Nuvens... Que desassossego se sinto, que desconforto se penso, que inutilidade se quero! Nuvens... Estão passando sempre, umas muito grandes, parecendo, porque as casas não deixam ver se são menos grandes que parecem, que vão a tomar todo o céu; outras de tamanho incerto, podendo ser duas juntas ou uma que se vai partir em duas, sem sentido no ar alto contra o céu fatigado; outras ainda, pequenas, parecendo brinquedos de poderosas coisas, bolas irregulares de um jogo absurdo, só para um lado, num grande isolamento, frias.

Nuvens... Interrogo-me e desconheço-me. Nada tenho feito de útil nem farei de justificável. Tenho gasto a parte da vida que não perdi em interpretar confusamente coisa nenhuma, fazendo versos em prosa às sensações intransmissíveis com que torno meu o universo incógnito. Estou farto de mim, objectiva e subjectivamente. Estou farto de tudo, e do tudo de tudo. Nuvens... São tudo, desmanchamentos do alto, coisas hoje só elas reais entre a terra nula e o céu que não existe; farrapos indescritíveis do tédio que lhes imponho; névoa condensada em ameaças de cor ausente; algodões de rama sujos de um hospital sem paredes. Nuvens... São como eu, uma passagem desfeita entre o céu e a terra, ao sabor de um impulso invisível, trovejando ou não trovejando, alegrando brancas ou escurecendo negras, ficções do intervalo e do descaminho, longe do ruído da terra e sem ter o silêncio do céu.

Nuvens... Continuam passando, continuam sempre passando, passarão sempre continuando, num enrolamento descontínuo de meadas baças, num alongamento difuso de falso céu desfeito.

Fernando Pessoa  « Livro do Desassossego » por Bernardo Soares  Fragmento 204





Nuvole… Oggi sono consapevole del cielo, poiché ci sono giorni in cui non lo guardo ma solo lo sento, vivendo nella città senza vivere nella natura in cui la città è inclusa. Nuvole… Sono loro oggi la principale realtà, e mi preoccupano come se il velarsi del cielo fosse uno dei grandi pericoli del mio destino.Nuvole… Corrono dall'imboccatura del fiume verso il Castello; da Occidente verso Oriente, in un tumultuare sparso e scarno, a volte bianche se vanno stracciate all'avanguardia di chissà che cosa; altre volte mezze nere, se lente, tardano ad essere spazzate via dal vento sibilante; infine nere di un bianco sporco se, quasi volessero restare, oscurano più col movimento che con l'ombra i falsi punti di fuga che le vie aprono fra le linee chiuse dei caseggiati.

Nuvole… Esisto senza che io lo sappia e morirò senza che io lo voglia. Sono l'intervallo fra ciò che sono e ciò che non sono, fra quanto sogno di essere e quanto la vita mi ha fatto essere, la media astratta e carnale fra cose che non sono niente più il niente di me stesso.Nuvole… Che inquietudine se sento, che disagio se penso, che inutilità se voglio ! Nuvole… Continuano a passare,alcune così enormi ( poiché le case non lasciano misurare la loro esatta dimensione ) che paiono occupare il cielo intero; altre di incerte dimensioni, come se fossero due che si sono accoppiate o una sola che si sta rompendo in due, a casaccio, nell'aria alta contro il cielo stanco; altre ancora piccole, simili a giocattoli di forme poderose, palle irregolari di un gioco assurdo, da parte, in un grande isolamento fredde.

Nuvole… Mi interrogo e mi disconosco. Non ho mai fatto niente di utile né faro niente di giustificabile. Quella parte della mia vita che non ho dissipato a interpretare confusamente nessuna cosa, l'ho spesa a dedicare versi prosastici alle intrasmissibili sensazioni con le quali rendo mio l'universo sconosciuto. Sono stanco di me oggettivamente e soggettivamente. Sono stanco di tutto e del tutto di tutto. Nuvole… Esse sono tutto,crolli dell'altezza, uniche cose oggi reali fra la nulla terra e il cielo inesistente; brandelli indescrivibili del tedio che loro attribuisco: nebbia condensata in minacce incolori; fiocchi di cotone sporco di un ospedale senza pareti. Nuvole… Sono come me un passaggio figurato tra cielo e terra, in balìa di un impulso invisibile, temporalesche o silenziose, che rallegrano per la bianchezza o rattristano per l'oscurità, finzioni dell'intervallo e del discammino, lontane dal rumore della terra, lontane dal silenzio del cielo.

Nuvole… Continuano a passare, continuano ancora a passare, passeranno sempre continuamente, in una sfilza discontinua di matasse opache, come il prolungamento diffuso di un falso cielo disfatto.

Traduction italienne : Maria José de Lancastre et Antonio Tabucchi



 


Nuages... J'ai conscience du ciel aujourd'hui, car il y a des jours où je ne le regarde pas, mais le sens plutôt – vivant comme je le fais à la ville, et non dans la nature qui l'inclut. Nuages... Ils sont aujourd'hui la réalité principale, et me préoccupent comme si le ciel se voilant était l'un des grands dangers qui menacent mon destin. Nuages... Ils viennent du large vers le château Saint-Georges, de l'Occident vers l'Orient, dans un désordre tumultueux et nu, teinté parfois de blanc, en s'effilochant pour je ne sais quelle avant-garde ; d'autres plus lents sont presque noirs, lorsque le vent bien audible tarde à les disperser ; noirs enfin d'un blanc sale lorsque, comme désireux de rester là, ils noircissent de leur passage plus que de leur ombre le faux espace que les rues prisonnières entrouvrent entre les rangées étroites des maisons. 


Nuages... J'existe sans le savoir, et je mourrai sans le vouloir. Je suis l'intervalle entre ce que je suis et ce que je ne suis pas, entre ce que je rêve et ce que la vie a fait de moi, je suis la moyenne arbitraire et charnelle entre des choses qui ne sont rien – et moi je ne suis pas davantage. Nuages... Quelle angoisse quand je sens, quel malaise quand je pense, quelle inutilité quand je veux ! Nuages... Ils passent encore, certains sont énormes, et comme les maisons ne permettent pas de voir s'ils sont moins grands qu'il semble, on dirait qu'ils vont s'emparer du ciel tout entier, d'autres sont d'une taille incertaine, il s'agit peut-être de deux nuages réunis, ou d'un seul qui va se séparer en deux – ils n'ont plus de signification, là-haut dans le ciel las ; choses puissantes, balles irrégulières de quelque jeu absurde, toutes amassées d'un seul côté, esseulées et froides. 

Nuages...  Je m'interroge et m'ignore moi-même. Je n'ai rien fait d'utile, ne ferai jamais rien que je puisse justifier. Ce que je n'ai pas perdu de ma vie à interpréter confusément des choses inexistantes, je l'ai gâché à faire des vers en prose, dédiés à des sensations intransmissibles, grâces auxquelles je fais mien l'univers caché. Je suis saturé de moi-même, objectivement, subjectivement. Je suis saturé de tout, et du tout de tout. Nuages... Ils sont tout, dislocation des hauteurs, seules choses réelles aujourd'hui entre la terre, nulle, et le ciel, qui n'existe pas ; lambeaux indescriptibles de l'ennui pesant que je leur impose ; brouillard condensé en menaces de couleur absente ; boules de coton sale d'un hôpital dépourvu de murs. Nuages... Ils sont comme moi, passage épars entre ciel et terre, au gré d'un élan invisible, avec ou sans tonnerre, égayant le monde de leur blancheur ou l'obscurcissant de leurs masses noires, fictions de l'intervalle et de la dérive, ils sont loin du bruit de la terre, mais sans le silence du ciel. 

Nuages... Ils continuent de passer, ils passent toujours, ils passeront éternellement, enroulant et déroulant leurs écheveaux blafards, étirant confusément leur faux ciel dispersé. 

Traduction française : Françoise Laye (Editions Christian Bourgois, 1988) 








Images : (1) Site Flickr




2 commentaires:

  1. Emmanuel, qui a su écrire cela comme ça ?
    "Je suis l'intervalle entre ce que je suis et ce que je ne suis pas, entre ce que je rêve et ce que la vie a fait de moi, je suis la moyenne arbitraire et charnelle entre des choses qui ne sont rien – et moi je ne suis pas davantage. Nuages... Quelle angoisse quand je sens, quel malaise quand je pense, quelle inutilité quand je veux ! "
    Cet écrivain est irremplaçable. Tant de finesse et tant de solitude. Et cette écriture qui glisse en mes pensées comme ces nuages....

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  2. Merci pour l'encart bleu... Régine Deforges... Une telle liberté...

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