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mercredi 28 janvier 2015

Assisi (Assise)




Un poème de Paul Celan, daté du début 1954 et publié dans le volume Von Schwelle zu Schwelle [De seuil en seuil] (1955) :

Assisi

Umbrische Nacht.
Umbrische Nacht mit dem Silber von Glocke und Ölblatt.
Umbrische Nacht mit dem Stein, den du hertrugst.
Umbrische Nacht mit dem Stein.

Stumm, was ins Leben stieg, stumm.
Füll die Krüge um.

Irdener Krug.
Irdener Krug, dran die Töpferhand festwuchs.
Irdener Krug, den die Hand eines Schattens für immer verschloß.
Irdener Krug mit dem Siegel des Schattens.

Stein, wo du hinsiehst, Stein.
Laß das Grautier ein.

Trottendes Tier.
Trottendes Tier im Schnee, den die nackteste Hand streut.
Trottendes Tier vor dem Wort, das ins Schloß fiel.
Trottendes Tier, das den Schlaf aus der Hand frißt.

Glanz, der nicht trösten will, Glanz.
Die Toten – sie betteln noch, Franz.

Paul Celan



Paul Celan lit son poème Assisi


Assise

Nuit d'Ombrie.
Nuit d'Ombrie avec l'argent de la cloche et de la feuille d'olivier.
Nuit d'Ombrie avec la pierre portée jusqu'ici par toi.
Nuit d'Ombrie avec la pierre.

Muet, ce qui montait à la vie, muet.
Fais passer d'une cruche dans l'autre.

Cruche de terre.
Cruche de terre où la main du potier s'est greffée.
Cruche de terre que la main d'une ombre a pour toujours scellée.
Cruche de terre avec le sceau de l'ombre.

Pierre, où tu regardes, pierre.
Fais entrer le grison.

Bête traînarde.
Bête traînarde dans la neige que la main la plus nue épand.
Bête traînarde devant le mot qui s'est brusquement refermé.
Bête traînarde, qui vient manger le sommeil dans la main.

Splendeur qui n'arrive pas à consoler, splendeur.
Les morts — les morts mendient encore, François.

Traduction : Jean-Pierre Lefebvre

Note pour le dernier vers : François, bien sûr pour le saint d'Assise, mais il faut se souvenir que Franz était également le prénom du premier fils de Celan, mort le lendemain de sa naissance, le 8 octobre 1953.






Assisi

Notte umbra.
Notte umbra con l'argento di ulivo e di campana.
Notte umbra con la pietra che portasti fin qui.
Notte umbra con la pietra.

Muto ciò che pervenne alla vita, muto.
Travasa le urne.

Urna di terra,
Urna di terra, cui la mano del vasaio crebbe tenace.
Urna di terra, che la mano di un'ombra chiuse per sempre.
Urna di terra col sigillo dell'ombra.

Pietra, ovunque guardi, pietra.
Fa entrare l'asinello.

Trotterellante.
Trotterellante nella neve sparsa da nudissima mano.
Trotterellante davanti alla parola che si richiuse da sé.
Trotterellante asinello, che bruca il sonno dalla mano.

Splendore, che non sa confortare.
I morti implorano ancora, Francesco.

Traduzione : G. Bevilacqua

Note sur la traduction italienne : on remarquera que, pour le mot Krug, le traducteur italien choisit le terme urna [urne], beaucoup plus évocateur (et connoté) que le plus neutre (et plus exact littéralement) cruche préféré par le traducteur français.








Images : en haut, grazie a Alessandro Mari per questo splendido sguardo verso Assisi  (Site Flickr)

au centre, Daniele Pirolandi  (Site Flickr)

en bas, San Francesco d'Assisi  Sacro Speco, Subiaco (particolare)

1 commentaire:

  1. L'effacement des mots... Le silence qui recouvre ces vies englouties... la pauvreté de François peut créer un chemin dans cette solitude. Et tout cette terre pétrie devient témoignage...

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