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vendredi 24 avril 2015

Su un liso cartellone (Sur une affiche défraîchie)




Proiezione al « Nuovo » di Roma città aperta 

Ma che colpo al cuore quando, su un liso
cartellone... Mi avvicino, guardo il colore
già d'un altro tempo, che ha il caldo viso
ovale dell'eroina, lo squallore
eroico del povero, opaco manifesto.
Subito entro : scosso da un interno clamore,
deciso a tremare nel ricordo,
a consumare la gloria del mio gesto.
Entro nell'arena, all'ultimo spettacolo,
senza vita, con grigie persone,
parenti, amici, sparsi sulle panche,
persi nell'ombra in cerchi distinti
e biancastri, nel fresco ricettacolo...
Subito, alle prime inquadrature,
mi travolge e rapisce... l'intermittence du cœur.
Mi trovo nelle scure vie della memoria,
nelle stanze misteriose
dove l'uomo fisicamente è altro,
e il passato lo bagna col suo pianto...
Eppure, dal lungo uso fatto esperto,
non perdo i fili : ecco... la Casilina,
su cui tristement si aprono
le porte della città di Rossellini...
ecco l'epico paesaggio neorealista,
coi fili del telegrafo, i selciati, i pini,
i muretti scrostati, la mistica
folla perduta nel daffare quotidiano,
le tetre forme della dominazione nazista...
Quasi emblema, ormai, l'urlo della Magnani,
sotto le ciocche disordinatamente assolute,
risuona nelle disperate panoramiche,
e nelle sue occhiate vive e mute
si addensa il senso della tragedia.
E lì che si dissolve e si mutila
il presente, e assorda il canto degli aedi. 

Pier Paolo Pasolini  La religione del mio tempo  ed. Garzanti 






Projection au cinéma « Nuovo » de Rome ville ouverte 

Mais quel coup au cœur, quand, sur une
affiche défraîchie... Je m'approche, je regarde la couleur,
déjà d'un autre temps, du chaud visage ovale de l'héroïne,
la misère héroïque de cette pauvre affiche opaque.
J'entre aussitôt : ébranlé par une clameur intérieure,
décidé à trembler dans le souvenir,
à consumer la gloire de mon geste.
J'entre dans l'arène, à la dernière séance,
sans vie, avec des personnes grises,
parents, amis, éparpillés sur les bancs,
perdus dans l'ombre en cercles distincts
et blêmes, dans le frais réceptacle...
Aussitôt, dès les premiers plans,
m'emporte et me ravit... l'intermittence
du cœur. Je me retrouve dans les rues sombres
de la mémoire, dans les chambres
mystérieuses où l'homme est physiquement autre,
et où le passé le baigne de ses pleurs...
Et pourtant, rendu expert par la longue habitude,
je ne perds pas les fils, voilà... la Casilina,
sur laquelle tristement s'ouvrent
les portes de la ville de Rossellini...
voilà le paysage épique du néoréalisme,
avec les fils du télégraphe, les pavés, les pins,
les murets décrépis, la foule mystique
perdue dans sa routine quotidienne,
les sinistres formes de la domination nazie...
Presque un emblème, désormais, le cri de la Magnani,
sous ses mèches absolues et désordonnées,
résonne dans les panoramiques désespérés,
et dans ses regards vifs et muets
se fige le sens de la tragédie.
C'est là que le présent se dissout et se mutile
et que s'assourdit le chant des aèdes.

(Traduction personnelle) 












Images : Roma, città aperta, [Rome, ville ouverte] de Roberto Rossellini



1 commentaire:

  1. Souvent, dans les pages de "Fine Stagione", c'est la rencontre entre un passé (miel-citron, douceur-douleur) et un être à la recherche d'un je-ne-sais-quoi venu d'ailleurs et de lui. C'était aussi ce parfum, hier, dans cette page émouvante où Francesco Orlando se souvient de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, de son roman magnifique "Le Guépard" (Ah, cette dernière page où passe l'éclair d'une double présence : un chien et son maître...) et de sa vie.
    Ici, la Magnani et tous ces acteurs, ces visages où se revit le drame de cette occupation sur une population contrainte à une mort imminente, aux tortures, aux interrogatoires et à la Résistance.

    Nos vies sont modelées par ce que nous pensions avoir oublié et qui ressurgit au hasard d'une vieille affiche de cinéma, d'une photographie, d'un livre, d'un objet, d'un paysage, d'une musique, d'un parfum... La "dernière station" sera-t-elle celle où passé et présent se confondront dans la surprise d'un départ vers l'inconnaissance de la mort ?

    Quelques fragments d'un recueil que j'aime ouvrir "Quelque chose noir" de Jacques Roubaud :

    "L'histoire n'a pas de souvenirs.
    Chaque image de toi touche la trace d'une reconnaissance, l'illumine.

    Quelque chose va sortir du silence, de la ponctuation, du blanc remonter jusqu'à moi
    Quelqu'un de vivant, de nommé : un poème d'amour

    Ce poème t'est adressé et ne rencontrera rien

    Les jours s'en vont énormément.

    Peu de chose après tout.

    Inutile l'irréel du passé temps inqualifiable.

    Je dis toujours ton nom ton nom en moi comme si tu étais.

    Ce temps que nous avions au monde

    Fragmenté en photographies, pour une restitution future. courte au regard. comme il fut, si court.

    Et vers nous
    Quelque chose comme 'n'ayant eu le temps".

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