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dimanche 13 septembre 2015

En noir et blanc (In bianco e nero)




Franco Interlenghi est mort le dix septembre, à l'âge de 83 ans. Les passionnés du cinéma italien se souviennent bien sûr de son premier rôle, à quinze ans : dans le Sciuscià de Vittorio De Sica, il est Pasquale, l'un des jeunes cireurs de chaussures qui tentent de survivre dans la Rome de l’immédiat après-guerre (le film date de 1946, et le tournage est contemporain des événements que le film relate, comme c'était la règle à l'époque du néo-réalisme). L'acteur a souvent raconté les circonstances qui l'ont conduit à faire du cinéma : « C'était en juillet 1945, j'habitais à Rome, dans la via Palestro. Je jouais avec mes amis devant une villa anglaise qui plus tard, en 1948, fut détruite dans un attentat terroriste. Nous avions des jeux simples ; à l'époque, nous n'avions pas beaucoup de moyens à notre disposition : on s'amusait à se lancer un bout de bois. Dans mon immeuble habitait un homme qui travaillait dans le cinéma, c'était un homme âgé plutôt quelconque ; il se mit à la fenêtre de son appartement, sans doute agacé par nos cris, et nous dit : mais qu'est-ce que vous fichez ici ? Allez à via Po, il y a Vittorio De Sica qui cherche de jeunes garçons pour tourner un film. On y est allés, et il y avait une queue qui arrivait jusqu'à piazza Fiume. À l'époque, tout le monde avait faim, et le cinéma représentait une possibilité pour sortir de la misère ; tout le monde tentait sa chance, ne serait-ce que pour un rôle de figurant. J'arrivai finalement devant De Sica et il me demanda si je savais me battre. Je lui répondis que non. Il appela donc le suivant, et je fus très déçu. Je me remis dans la file, et me retrouvai de nouveau devant lui. Il me reposa la même question, et cette fois-ci, je répondis que j'avais l'habitude de me battre à coups de poings avec mon frère, avec mes amis, et même que je fréquentais une salle de boxe... De Sica demanda à ses assistants de prendre mes coordonnées, et c'est comme ça que tout a commencé ! »



Avec Rinaldo Smordoni, dans Sciuscià (1946)


Pour la plupart, ces jeunes gens choisis dans la rue ne feront pas carrière dans le cinéma et resteront les protagonistes d'un seul film (un peu comme les "modèles" bressoniens) ; il n'en ira pas de même pour Interlenghi qui enchaînera les films à la fin des années quarante et pendant toutes les années cinquante, avec les cinéastes les plus brillants de l'époque : en 1949, il tourne avec Blasetti (Fabiola) et l'année suivante, Luciano Emmer lui offre l'un de ses plus beaux rôles, dans un film peu connu en France, hélas, Domenica d'agosto (Dimanche d'août, un titre qui a pour nous des résonances modianesques). Comme son titre l'indique, le film est fidèle à l'unité de temps, puisqu'il raconte la journée du 7 août dans la Rome de l'après-guerre, où l'on va suivre les pérégrinations de plusieurs personnages qui se retrouvent tous à la plage  d'Ostie (le film est aussi connu parce qu'il offre un premier vrai rôle à Marcello Mastroianni, qui n'avait été jusque là que figurant). 



Avec Antonella Lualdi, dans Gli Innamorati (1955)


Interlenghi tournera aussi avec Luigi Zampa (Processo alla città), Mario Soldati (La Provinciale), Antonioni (I Vinti), Rossellini (Il Generale della Rovere et Viva l'Italia), et surtout Bolognini qui lui donne trois rôles marquants : dans Gli innamorati (Les Amoureux, titre prédestiné puisqu'il y joue avec Antonella Lualdi, qui deviendra son épouse pour soixante ans de vie commune !), Giovani Mariti (Jeunes maris) et La Notte brava (Les Garçons), ces deux derniers titres sur des scénarios de Pasolini). C'est dans ces mêmes années qu'il tourne avec Fellini I Vitelloni (en 1953) ; il interprète le rôle de Moraldo, sans doute le plus mémorable de sa carrière avec le Pasquale de Sciuscià. On remarquera qu'il n'a jamais tourné avec Visconti, mais que ce dernier l'a dirigé trois fois au théâtre, en particulier dans Mort d'un commis-voyageur, d'Arthur Miller (1949).



Avec Brigitte Bardot, dans En cas de malheur (1958)


Dans ces années glorieuses, la carrière de Franco Interlenghi a été aussi internationale, puisqu'on le retrouve notamment dans La comtesse aux pieds nus de Mankiewicz (1954), L'Adieu aux armes de Charles Vidor (1957), En cas de malheur (en italien La Ragazza del peccato), de Claude Autant-Lara, au côté de Brigitte Bardot (1958). Il faut malheureusement reconnaître que son étoile n'a plus été aussi brillante après ces miraculeuses années, mais il n'a jamais cessé de tourner (au cinéma et surtout à la télévision) ni de jouer au théâtre. Il a conservé en Italie une grande popularité, d'autant plus que c'était aussi dans la vie un homme très sympathique ; et tant qu'il y aura des amoureux du grand cinéma italien, ils se souviendront en pensant à lui combien les dimanches d'août étaient beaux, en noir et blanc...






Gli innamorati (Les Amoureux), de Mauro Bolognini (1955)

1 commentaire:

  1. Fabio interlenghi a joué aussi dans don camillo (le petit monde de don camillo en 1951 avec Fernandel gino cervi et aussi avec Jean Gabin dans en cas de malheur

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