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jeudi 12 mai 2016

L'Ermite du sémaphore




Peu de Palermitains connaissent ce sémaphore perché au sommet du mont Gallo, et moins encore l’incroyable décoration intérieure réalisée par son mystérieux occupant, surnommé l’Ermite. Depuis une quinzaine d’années, ce Facteur Cheval sicilien orne patiemment tous les murs de l’édifice de cailloux, de coquillages, de tessons de verre et autres bouts de plastique qu’il a recueillis sur les plages alentour. Du hall d’entrée à la tour d’observation, en passant par la cuisine, la salle de bain ou même le long du sentier menant au bâtiment, tout n’est que prétexte pour laisser parler sa créativité fantasque et sa ferveur religieuse. Nombre d’ornementations, en effet, sont dédiées au Christ ou à la Vierge Marie. Quant aux inscriptions en grosses lettres sur la façade, elles mêlent extraits de l’Apocalypse, étoiles de David et messages prophétiques. Si cet accueil mystique peut déconcerter le promeneur, il ne doit pas l’empêcher de franchir le seuil de l’édifice afin d’en admirer les étonnantes mosaïques. Il n’a rien à craindre de l’Ermite, dont on sait très peu de chose, sinon qu’il se fait appeler Israele, est âgé d’une cinquantaine d’années et part se cacher dès qu’il aperçoit des visiteurs. Sa présence est tolérée par les services de la Forêt domaniale en charge de la Réserve naturelle du capo Gallo, car elle dissuade les rôdeurs et les actes de vandalisme dans cette construction autrement laissée sans surveillance. 






Située à 527 mètres d’altitude au sommet du promontoire qui marque la séparation entre les côtes septentrionale et occidentale de la Sicile, cette tour de garde a été bâtie dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle pour surveiller les mers. Sa position en fait un site panoramique d’exception, permettant d’accéder à des paysages spectaculaires. C’est sans doute pour cette raison que des jaloux souhaiteraient déloger l’Ermite et transformer le sémaphore en un point d’observation ornithologique. Qu’adviendra-t-il alors de l’œuvre de cet artiste illuminé que certains n’hésitent pas à considérer comme un représentant de l’art brut contemporain ?

Régine Cavallaro   Dictionnaire insolite de la Sicile  Éditions Cosmopole, 2013









Images :   de haut en bas, (1), (2), (3), (4)  Rino Porrovecchio  (Site Flickr)

(5), (6), (7), (8)  Carlo Columba  (Site Flickr)

1 commentaire:

  1. L'ermite prend le temps d'habiter cette station... J'aime sa créativité, sa solitude. Mais il m'inquiète, comme enfermé dans une folie où l'autre n'est pas le bienvenu. Vivre seul ? absurdité. La rencontre, l'entre-deux ? Toujours périlleuse, parfois décevante, parfois lumineuse.

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